Dans sa lettre, le Blédard me disait qui il était, je me suis reconnue en lui. Ses blessures sont miennes, ses espoirs aussi. Qu’il est beau Akram quand il se met nu, offert au public. Cet adulte, qui refuse de voir son enfance disparaître, parle pudiquement de choses insensées, tant elles sont évidentes. De par son expérience, il nous tend un miroir, nous détournons le regard pour y revenir, forcés de regarder cette glace. Et c’est là que le résultat est des plus surprenants : nous sommes beaux, nous l’avons oublié, fascinés par le clinquant, par le désir de plaire.
 
Akram, j’ose dire son seul prénom, m’a parlé de Nejma. De l’Algérie. Elle est proche et lointaine, belle et inaccessible, beauté volée par des prédateurs jamais rassasiés. Il me disait qu’il ne tient qu’à nous pour que ses enfants, tous ses enfants, se reconnaissent elle. Telle une mère-amante, elle se moque du temps qui passe, des chasseurs de lumière, des kleptomanes galonnés, des usurpateurs, des prétendants inélégants, elle sait attendre celui qui adviendra, qui prendra soin d’elle. Telle une amoureuse souvent déçue jamais désespérée, elle sait que la longue nuit de prédation finira par se dissoudre. Nejma n’attend que vous, que nous, pour se réveiller.
 
Dans sa lettre, le Blédard parle le pluriel au singulier, nous invitant à regarder en nous. Méritons-nous Nejma ? Ce pays-femme, qui donne asile à tous les Algériens et les amoureux de l’Algérie, est exigeante, trop longtemps bafouée. Enfants trop vite, trop mal, grandis, pas encore tout à fait adultes, nous avons oublié nos rêves : une Algérie accueillante, libre, démocratique, fière et debout !

« Retours en Algérie », Akram Belkaïd, éditions Carnet Nord/Montparnasse, 2013.
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