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Prix littéraire de l'Afrique méditerranéenne/Maghreb décerné, le 25 mars 2014, par l'Association des Écrivains de Langue Française : A.D.E.L.F

En septembre 2012, Akram Belkaïd est revenu sur les traces de son histoire algérienne. Avec un groupe de lecteurs de La Vie , anciens appelés du contingent, pieds-noirs ou enfants de rapatriés, hommes et femmes de foi, il a sillonné le pays de son enfance, de Tlemcen à Oran, de Tibhirine à Alger, et réveillé les fantômes du passé.

Un carnet de route émaillé de témoignages et écrit alors que l’Algérie fête le cinquantième anniversaire de son indépendance. Un cinquantenaire entre espoir en cette jeunesse pleine d’énergie, et déception devant tout ce que la liberté n’a pas pu offrir au pays. Un voyage aux émotions multiples — joie devant l’hospitalité de ce peuple, douleur au monastère de Tibhirine, colère dans les rues dévastées d’Alger, perplexité devant l’autoroute « aux quinze milliards de dollars » —, où chacun retrouvera son histoire algérienne.

Car, malgré tous les exils, nous n’avons de nationalité que celle de notre enfance.

jeudi

Le Figaro : Voyage en nostalgérie

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Éric Zemmour
Le Figaro, 27 juin 2013
 
IDÉES

Quand un journaliste algérien qui a fui les islamistes rencontre des pieds-noirs qui ont fui à l'indépendance, ils se racontent des histoires algériennes.

RETOURS EN ALGERIE Des retrouvailles émouvantes avec l'Algérie d'aujourd'hui. Akram Belkaid. Editions Montparnasse. 212 pages, 19 euros

 
CHRONIQUE

« J'AI QUITTE mon pays, j'ai quitté ma maison, ma vie, ma triste vie se traîne sans raison », chantait, mélancolique, Enrico Macias, il y a cinquante ans Apres les pieds-noirs, l'Algérie a aussi connu le départ de ceux qui, il y a vingt ans, fuyaient la guerre civile et les menaces des islamistes. Quand des acteurs des deux époques se retrouvent à Orly Sud en partance pour leur chère terre natale, c'est le voyage de toutes les nostalgies, tous les exils, tous les retours. Le journaliste algérien Akram Belkaïd a longtemps hésité avant de rallier ce périple en « nostalgérie » II a eu raison de ne pas reculer. II nous en livre un récit sensible, essayant de démêler honnêtement la confusion de ses sentiments. II nous décrit sans fard la rencontre entre des Français qui ont honte de leur passé de colonisateur et des Algériens qui ont honte de leur présent de « pays riche à la population pauvre », entre des Français qui rêvent de l'Algérie et des Algériens qui rêvent de la France. Les contacts sont chaleureux, spontanés, sans apprêt ni hypocrisie. L'Algérien est rude mais accueillant II est reste fidèle à la tradition hospitalière arabe-berbère et musulmane II est surtout un des derniers peuples du monde qui n'ait pas été encore perverti par le tourisme de masse, qui ait garde une innocence, une fraicheur, une sincérité quand il lance la formule sympathique bien que fautive « Soyez LA bienvenue ». Les pieds-noirs avec qui l'auteur voyage ne sont ni des boutefeux ni des revanchards.

« Dans ce groupe, personne ne défend l'Algérie française », note-t-il sans insister Pourtant, il y aurait de quoi insister , et la défendre aussi. Ecoles, routes, hôpitaux contre exploitation des indigènes, gégène des paras contre massacres de civils du FLN : le combat n' aura pas lieu faute de combattants Belkaïd gagne la première manche, mais perd aussitôt la seconde, celle de l'Algérie moderne. A la question « Qu'avez-vous fait de votre indépendance ? », il n'a pas de réponse flatteuse. Quand on lui fait remarquer que l'Algérie est sale, pas entretenue, qu'il n'y a même pas de toilettes publiques en ville, que les habitants ne prennent pas soin de l'espace public, du bien commun, il ne peut que baisser la tête, honteux. II est lui-même sans tendresse pour ses élites algériennes corrompues et incompétentes, qui achètent une relative paix sociale - émaillée d'innombrables émeutes urbaines - par la manne pétrolière.

Humiliation suprême, il voit, comme ses compagnons de voyage, des terrassiers chinois s'échiner sur la grande autoroute qui traversera le pays d'est en ouest, alors que des millions d'Algériens sont au chômage Des Chinois nombreux, laborieux, efficaces, qui font leurs premières armes de nouveaux colons. L'Algérien serait-il voué à être colonisé ? Question iconoclaste qui ne sera pas posée bien sûr. Pourtant, toute l'Histoire de cette terre se résume à une succession de colonisateurs, romain, espagnol, arabe, ottoman, français. Il y a dans la description que fait Belkaïd de son propre peuple, de sa passivité et de son fatalisme, quelque chose d'Oblomov, ce célèbre héros de la littérature russe, incarnation de l'âme slave, mélancolique et rêveur, incapable de s'adapter au monde moderne, ne quittant jamais son intérieur confortable et sa robe de chambre, et confiant ses affaires à un Allemand entreprenant et travailleur qui finira par lui enlever sa fiancée.

Belkaïd préfère nous parler de « l'énergie » de la jeunesse et se pose en héraut féministe sur le mode connu de la femme est l'avenir de l'Algérie ; et tant pis si cette « énergie » des jeunes hommes se retourne souvent contre les femmes « courageuses », dans un climat violent de frustration sexuelle... Belkaïd n'a pas la tâche facile. Il navigue plus ou moins habilement entre deux conformismes, deux idéologies dominantes, le politiquement correct de Paris et le nationalisme d'Alger. Notre auteur est un vrai rebelle : il parvient à se conformer aux deux. Son langage lénifiant, celui des bobos bien- pensants qu'il côtoie dans la capitale française, est plein de dialogue des cultures, d'échanges, de tolérance. Mais il redevient un farouche combattant lorsqu'il s'agit de défendre la mémoire de la guerre d'indépendance, jusqu'aux exactions et massacres du FLN. Il partage sans oser l'avouer un certain dédain, voire le mépris certain de ses compatriotes pour leurs cousins des banlieues françaises ; mais il reprend le discours formaté des élites parisiennes sur les « discriminations » et la culpabilité de la France à leur égard.

Même Albert Camus en prend pour son grade, ravalé au rang de « pied-noir qui refuse que les Arabes prennent le pouvoir en Algérie », quand le grand écrivain français n'oubliait, pas, lui, que l’Arabo-musulman avait été, comme les autres, un colonisateur, sur cette terre berbère qui fut chrétienne pendant des siècles. Belkaïd n'est nullement hostile à la présence chrétienne en Algérie, mais à sa place, c'est-à-dire inférieure. Il est sincèrement scandalisé par le massacre des moines de Tibéhirine ; mais l'Église d'Algérie n'est respectable à ses yeux que parce qu'elle a renoncé à tout prosélytisme et donc à être elle-même - heureusement pour lui, l'islam n'a jamais eu pareille pudeur de violette. Et, lorsque ses compagnons de voyage lui font aigrement constater à Alger qu'une mosquée a été construite ostensiblement au-dessus d'un monastère, il bafouille de vagues raisons, de vagues excuses, reconnaît que la tolérance est une denrée rare même en Algérie, sans avouer honnêtement que la logique de l'islam, depuis toujours, est de marginaliser, d'inférioriser les religions du livre, en échange de sa protection, dans le cadre du fameux statut de dhimmi.

Le voyage a pris fin. Les retraités pieds-noirs sont revenus entre émotion et désillusion, entre le bonheur d'avoir retrouvé la terre de leur enfance et la tristesse de la voir si abîmée, si négligée. L'auteur est revenu convaincu de son attachement indéfectible à sa patrie ; il est né et mourrait algérien ; mais comme ses compagnons de voyage, ce patriote sincère et vibrant est rentré vivre en France. •
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